Télécharger la méditation au format pdf : Ils portent encore des fruits
En février 2021, lors de la Fête de la présentation de Jésus au Temple, le pape François a souhaité instituer la Journée mondiale des grands-parents et des personnes âgées, qui aura lieu chaque année le quatrième dimanche de juillet, au plus près de la fête de saint Joachim et sainte Anne, les « grands-parents » de Jésus. En 2022, ce sera le 24 juillet. Pour l’occasion, le pape a retenu le verset d’un psaume: «Ils portent encore des fruits dans la vieillesse» (Ps 92, 15 – Bible de Jérusalem), souhaitant par-là «souligner combien les grands-parents et les personnes âgées sont une valeur et un don tant pour la société que pour les communautés ecclésiales».
Mais qui sont les grands-parents d’aujourd’hui ?
Des personnes âgées ? Pas spécialement ! Certains sont même encore en pleine activité professionnelle.
De jeunes pensionnés, supers actifs et dynamiques comme ne cesse de le suggérer la publicité ? Il y en a, mais d’autres sont d’un âge avancé, ou touchés par la maladie, le handicap ; il y a des veufs, des divorcés…
Enfin, il y a des grands-parents qui sont en même temps les enfants de personnes très âgées ; souvent, ils en prennent grand soin et les entourent de toute leur affection.
Alors, qui sont les grands-parents ? Comment pourrait-on les caractériser ? Dans leur grande diversité, ils ont au moins deux points communs.
Tout d’abord, puisqu’ils sont grands-parents, il y a donc des petits-enfants avec qui inventer une relation toute nouvelle, bien souvent empreinte d’une belle complicité.
« Bienheureux les enfants venus sur mon chemin !
Je saurai transporter dans les buissons l’école ;
Heureux les jeunes gens dont je prendrai la main !
S’ils aiment, je saurai comment on les console. »
écrit Sully Prudhomme (‘Les Solitudes’ 1869)
S’ils ont à cœur d’accompagner les jeunes dans ce qu’ils vivent, jusqu’à s’en laisser transformer, ils peuvent aussi, au gré d’une promenade, d’un repas… raviver des souvenirs, raconter quasi sous le mode de la confidence, des évènements familiaux, dresser le portrait d’un lointain parent…
Tout en prenant soin du devenir de leurs petits-enfants, ils sont aussi le signe tangible d’un passé, d’une histoire qui a des racines. Comme l’écrit le pape François, « les personnes âgées aident à percevoir ‘la continuité des générations’ avec le ‘charisme de servir de pont’. » (AL §192)
Par ailleurs, les grands-parents, qu’ils soient au seuil du ‘troisième âge’ ou un peu plus loin, sont, à des degrés divers, concernés par la question du ‘bien vieillir’ ou, tout simplement, du ‘vieillir’ (le mieux possible). Ils s’approchent tout doucement d’une réalité, trop souvent tue, celle de notre vulnérabilité et de notre finitude.
« Rien n’est précaire comme vivre
Rien comme être n’est passager
C’est un peu fondre pour le givre
Et pour le vent être léger
J’arrive où je suis étranger. »
(Aragon ‘J’arrive où je suis étranger’ 1944)
Voilà donc les grands-parents d’aujourd’hui : multiples et… uniques.
Quant aux personnes âgées, elles ne sont pas toutes parents, ni grands-parents, bien qu’elles aient sans doute « donné vie » à leur façon. Leur place dans notre société est plutôt fort discrète, si pas ‘marginalisée’ (AL §192).
La Bible ne contient presque pas de récits qui impliquent des grands-parents. Ainsi, la vie d’Anne et Joachim ne s’y trouve pas.
Par contre, elle présente plusieurs visages de la PERSONNE qui avance en âge.
Dans l’ancien Testament, le grand nombre d’années est considéré comme une bénédiction :
« Et si tu suis mes chemins, en gardant mes décrets et mes commandements comme l’a fait David, ton père, je t’accorderai de longs jours » dit le Seigneur au roi Salomon (1 R 3,14).
La personne âgée est associée, pour autant qu’elle ait une vie droite, à la sagesse et elle inspire le respect :
« Ne méprise pas un vieillard, car certains d’entre nous prennent de l’âge.
Ne néglige pas la conversation des sages, reviens souvent à leurs proverbes,
car auprès d’eux tu acquerras l’instruction et l’art de servir les grands. » (Si 8, 6.8)
Cette équation, vieillesse égale sagesse, est toutefois nuancée par Job auprès de qui trois ‘anciens’ (Jb 32,6) avaient en vain essayé de trouver des explications à sa souffrance.
« En réalité, c’est l’esprit dans l’homme, le souffle du Puissant, qui le rend intelligent.
Les plus âgés ne sont pas les plus sages, ce ne sont pas les vieillards qui discernent le droit. » (Jb 32,8.9)
Mais quoi qu’il en soit, la personne âgée est respectable :
« Tu te lèveras devant des cheveux blancs, tu honoreras la personne du vieillard
et tu craindras ton Dieu.
Je suis le Seigneur. »
(Lv 19,32)
Le pape François ne nous invite-t-il pas à cette même attitude quand il écrit : « Nous devons réveiller le sentiment collectif de gratitude, d’appréciation, d’hospitalité, qui ait pour effet que la personne âgée se sente une partie vivante de sa communauté. Les personnes âgées sont des hommes et des femmes, des pères et des mères qui sont passés avant nous sur notre même route, dans notre même maison, dans notre bataille quotidienne pour une vie digne ». Par conséquent, « comme je voudrais une Église qui défie la culture du rebut par la joie débordante d’une nouvelle étreinte entre les jeunes et les personnes âgées ! » (AL §191) ?
La Bible, si elle donne une belle place à la personne âgée, n’en ignore pas pour autant les difficultés que celle-ci est susceptible de rencontrer. L’Ecclésiaste (12,1-7) les décrit en termes suggestifs et pleins de poésie :
« Souviens-toi de ton Créateur, aux jours de ta jeunesse, avant que viennent les jours mauvais,
et qu’approchent les années dont tu diras : « Je ne les aime pas » ;
avant que s’obscurcissent le soleil et la lumière, la lune et les étoiles,
et que reviennent les nuages après la pluie ;
au jour où tremblent les gardiens de la maison, où se courbent les hommes vigoureux ;
où les femmes, l’une après l’autre, cessent de moudre,
où le jour baisse aux fenêtres ;
quand la porte se ferme sur la rue, quand s’éteint la voix de la meule,
quand s’arrête le chant de l’oiseau, et quand se taisent les chansons ;
lorsqu’on redoute la montée et qu’on a des frayeurs en chemin ;
l’amandier est en fleurs, la sauterelle s’alourdit, et la câpre ne produit aucun effet ;
lorsque l’homme s’en va vers sa maison d’éternité,
et que les pleureurs sont déjà au coin de la rue ;
avant que le fil d’argent se détache, que la lampe d’or se brise,
que la cruche se casse à la fontaine, que la poulie se fende sur le puits ;
et que la poussière retourne à la terre comme elle en vint,
et le souffle de vie, à Dieu qui l’a donné. »
La Bible nous offre de belles figures de personnes âgées. Et celles-ci nous révèlent les « fruits » encore possibles dans la vieillesse.
Il y a, par exemple, Abraham, dans le premier livre de la Bible. Il avait déjà septante-cinq ans (Gn 12,4) quand il se mit en route, répondant à l’appel du Seigneur : « Quitte ton pays, ta parenté et la maison de ton père, et va vers le pays que je te montrerai » (Gn 12,1). Plus fort encore, Abraham et Sara « étaient très avancés en âge » (Gn 18,11) quand il leur fut annoncé qu’ils allaient avoir un fils. Et Isaac naquit au « temps fixé » (Gn 18,10).
Voilà un homme vieux mais encore capable d’accueillir les imprévus de Dieu. Et pas n’importe lesquels : ils l’engagent à construire un avenir, pour lui, sa femme et même… pour toute l’humanité ! « En toi seront bénies toutes les familles de la terre », dit le Seigneur (Gn 12,3). Et le vieil Abraham commence alors une ‘marche’ vers l’accomplissement de sa vocation propre. Il entame un extraordinaire chemin spirituel.
Au chapitre 2 de l’évangile de Luc, nous découvrons Syméon. On ne dit rien de son âge sinon que le Seigneur peut « maintenant laisser son serviteur s’en aller en paix » (Lc 2,29), autrement dit, il peut mourir, il est prêt. Il est là quand Marie et Joseph viennent présenter Jésus au Temple. « Syméon reçut l’enfant dans ses bras, et il bénit Dieu en disant : « (…) mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples (Lc 2,28-31). Ainsi, dans ce moment de grâce, Syméon ressent l’accomplissement plénier de toute sa vie.
Un commencement ou un achèvement… Être prêt pour un avenir ou doucement refermer la porte et s’en aller vers la Maison du Père.
L’âge avancé est parfois le moment où tout peut encore advenir, même ce qui parait impossible, ou être le terme serein d’un chemin parcouru.
Le vieillesse peut être le temps d’une audace confiante ou celui d’un achèvement qui rayonne et diffuse la paix.
Anne se trouvait aussi près des parents de Jésus lorsqu’il fut présenté au Temple. « Demeurée veuve, elle était arrivée à l’âge de quatre-vingt-quatre ans. Elle ne s’éloignait pas du Temple, servant Dieu jour et nuit dans le jeûne et la prière » (Lc 2,37).
C’est donc une personne « avancée en âge » (Lc 2,36) dont la vie semble avoir été comme simplifiée, désencombrée. Il ne lui reste que la prière, la louange et l’annonce de la Bonne Nouvelle.
La prière qui prend son temps, qui porte un grand nombre d’intentions, n’est-ce pas un « fruit » de la vieillesse ? « Je ne sais plus faire ‘que’ ça, prier », disent certaines personnes âgées. Mais la prière est un magnifique levier pour le monde. La mission et la joie de nombreux grands-parents ne sont-elles pas aussi d’initier les enfants à la vie de foi et leur transmettre un véritable témoignage de vie chrétienne ?
Pour ce qui est des grands-parents et de leur relation avec les petits-enfants, la Bible est plutôt taiseuse. Mais, le livre des Proverbes propose toutefois cette très belle parole :
« Couronne des vieillards, leurs petits-enfants ! » (Pr 17,6).
Voilà quelques mots qui en disent long si nous revêtons le terme ‘vieillard’ de ce qui précède : celui qui est encore « aux aguets », vif, accueillant à la fois la nouveauté mais aussi façonné par une longue vie. Quant à la ‘couronne’, n’évoque-t-elle pas la récompense, la joie, le ‘couronnement’ d’un amour donné sans compter ? Il n’est pas écrit ‘les’ mais ‘leurs’ petits-enfants. Ce détail semble mettre en évidence une appartenance : ils sont bien du même sang mais, surtout, ces enfants ont une place unique dans le cœur des grands-parents. Ils sont la prunelle de leurs yeux.
Enfin, l’association ‘vieillard’ et ‘enfant’ n’est pas dénuée de sens ; elle est comme l’expression d’une connivence : l’un et l’autre sont vulnérables et, souvent, ils partagent une même simplicité de cœur.
Oui, vraiment, jusqu’au bout la vie abonde de trésors à déployer, pour le bien de tous !
Service de la Vie spirituelle
A reblogué ceci sur Service Couples et Familleset a ajouté:
La vie trépidante de notre société moderne aurait tendance à ‘filer’ au risque de laisser au bord du chemin ceux dont le rythme a peu à peu ralenti au fil du temps. La Bible est une voix, parmi d’autres, qui nous rappelle la richesse indispensable des « cheveux blancs » pour un monde équilibré et sain.
Une belle réflexion sur les grands-parents, les personnes âgées que nous cotoyons dans nos familles.
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