‘Debout’ évoque bien sûr pour le chrétien la Résurrection, qui éclaire la fête de ce jour. C’est aussi l’attitude de celui qui se tient prêt, qui part, peut-être sans trop savoir où va son chemin, un peu comme Abraham ou les mages. Oui, paradoxalement, si le mot ‘Épiphanie’ signifie ‘manifestation de Dieu’ au monde, les textes de ce jour nous invitent à nous mettre en route, à chercher le Seigneur pour le trouver. Ils nous parlent de marches, de déplacements jusqu’à accepter de prendre « un autre chemin » (Mt 2,12) que celui que nous avions prévu. Ce sont des routes venant de tous les horizons qui convergent vers Jésus mais aussi qui nous renvoient vers tous les peuples de la terre.
« Debout ! » Accompagnons les mages. Ils sont arrivés à Bethléem apportant de précieux cadeaux ; ils se sont prosternés devant l’Enfant-Jésus, puis sont repartis les mains vides mais avec une « très grande joie » (Mt 2,10) chevillée au cœur. Et nous pouvons aisément imaginer que, comme saint Paul et bien d’autres témoins, ils n’ont pu la garder pour eux seuls.
« Prier la Parole… pour en vivre » propose une écoute priante de la Parole. Elle est fondée sur la conviction que la Parole de Dieu est vivante et « prend chair » aujourd’hui dans la vie de celui qui l’accueille en vérité. Passant par une compréhension du texte, la recherche de son sens profond, elle achemine naturellement vers un cœur à cœur avec Dieu qui ne peut qu’influer sur l’agir au quotidien.
Cette prière de la Parole est l’héritière d’une longue tradition appelée Lectio divina.
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Nous pouvons entrer dans la prière en écoutant le psaume 71, qui fait partie des lectures du jour.
Prier l’évangile de la fête de l’Épiphanie du Seigneur
Matthieu 2,1-12
- Introduction
À l’époque de Jésus, l’attente du Messie était vive, nourrie par la promesse sans cesse annoncée dans les prophéties de l‘ancien Testament.
Il y a celle d’Isaïe (Is 60,1-6) que nous entendrons en première lecture. Elle déborde de lumière, de joie et donne à pressentir la « gloire de Dieu » qui attirera vers Jérusalem tous les grands de ce monde. Par ce texte, Isaïe n’annonce pas le lieu de la venue du Messie. Mais, dans un climat de grandes difficultés et de découragement, il proclame la fidélité de Dieu qui, contrairement aux apparences, tiendra sa promesse et mènera la vocation de Jérusalem (ou de son peuple élu) à son accomplissement. Elle concernera toutes « les nations » (Is 60,5).
Le psaume abonde dans le même sens : un jour, Dieu suscitera le roi idéal – le Messie. Il lui « donnera ses pouvoirs » (Ps 71,1) et ce roi apportera la paix « jusqu’au bout de la terre » (Ps 71, 8) ; les autres rois « se prosterneront devant lui » (Ps 71,11). Mais, ne nous y trompons pas, ce roi ne s’installera pas dans la magnificence et les honneurs. Non, il « aura le souci du faible et du pauvre » (Ps 71,13).
Pour Paul, il ne s’agit plus de promesse mais de la « révélation » (Ep 3,3) de ce qui, aujourd’hui, est : « toutes les nations sont associées au même héritage, dans le Christ Jésus » (Ep 3,6). Et c’est là une Bonne Nouvelle qu’il nous faut annoncer (Ep 3,6).
Sur les routes de 2021, quelle sera « l’étoile se levant à l’orient » (Mt 2,2) ? Qui parlera d’un Dieu fidèle qui accomplit sa promesse par amour pour tous les hommes ?
- Comprendre la Parole (Matthieu 2,1-12) – Quelques repères
Matthieu écrit l’évangile pour des communautés composées en grande partie de païens convertis. Elles étaient confrontées au rejet et à la persécution des pharisiens. Comme Jésus, elles ne seront ni accueillies ni reconnues par les chefs religieux juifs.
Au sujet de la naissance de Jésus, il ne fournit guère d’informations. Après avoir présenté sa généalogie, signalé que « Marie fut enceinte par l’action de l’Esprit Saint » (Mt 1,18) et relaté une ‘annonciation’ faite à Joseph (Mt 1,19-25), Matthieu écrit simplement : « Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand » (Mt 2,1).
- La précision géographique nous renvoie à David, originaire de ce village, à qui le prophète Nathan avait annoncé que Dieu lui susciterait dans sa descendance un successeur dont la royauté sera stable. Il sera pour lui un père et lui sera pour Dieu un fils (2 S 7,12-14). Les Juifs voyaient dans ces paroles l’annonce du Messie dont le lieu de la naissance était mentionné dans le livre de Michée : « Et toi, Bethléem Ephrata, le plus petit des clans de Juda, c’est de toi que sortira pour moi celui qui doit gouverner Israël» (Mi 5,1). C’est d’ailleurs la prophétie que les scribes lisent à Hérode, enrichie d’une autre citation que l’on trouve dans le deuxième livre de Samuel (2 S 5,2).
- « Au temps du roi Hérode le Grand» nous dit Matthieu. Roi des Juifs mais nommé par le pouvoir romain, Hérode était un monarque un peu fantoche, devant jongler avec les uns et les autres. Il était proche des pharisiens.
Les indications concrètes du lieu et du moment nous disent que le récit qui suit est bien ancré dans la réalité. Il ne s’agit pas d’un beau conte. Et s’il n’est pas exact en tout point, il est ‘vrai’ dans ce qu’il nous révèle de Jésus. Car la visée de Matthieu est de nous centrer sur Jésus et sur ce que sa vie, sa mort et sa Résurrection apportent au monde.
- Des mages arrivent d’Orient. On ne sait vraiment pas grand-chose à leur sujet. Ce sont des étrangers venus d’au-delà du Jourdain. Sont-ils des prêtres perses, des magiciens, des astrologues (selon les commentaires TOB) ? Peu importe, comme si l’évangéliste souhaitait qu’ils s’effacent en quelque sorte devant Jésus. De plus, chacun ne peut-il pas ainsi se reconnaître en eux par l’un ou l’autre aspect ?
- Ils ont vu « une étoile à l’orient». On pourrait voir ici un rapprochement avec la croyance antique selon laquelle un nouvel astre apparaissait à la naissance d’un personnage important. Pour Matthieu, il s’agirait plutôt de se référer à la prophétie de Balaam : « Ce héros, je le vois – mais pas pour maintenant – je l’aperçois – mais pas de près : Un astre se lève, issu de Jacob, un sceptre se dresse, issu d’Israël. » (Nb 24,17). Car l’évangéliste est soucieux d’annoncer l’accomplissement des promesses de l’Ancien Testament.
- Les scribes et les grands prêtres sont convoqués par Hérode. Les premiers étaient les spécialistes des Écritures. Ils sont sollicités par leurs contemporains pour éclairer leur vie de foi, cherchant continuellement à interpréter les textes bibliques. Ils sont proches des pharisiens. Les prêtres étaient chargés du culte au Temple.
- Les mages offrent de l’or, cadeau royal. Ils apportent de l’encens, ce parfum brûlé au Temple pour le culte rendu à Dieu. La myrrhe, déposée aux pieds de Jésus, est utilisée pour embaumer les morts.
Avec les mages, ‘mettons-nous en route’, guidés vers tout lieu où Jésus nous attend, au risque d’être ‘déroutés’ mais… pour une vraie joie à partager.
Évangile de Jésus Christ selon saint Matthieu
(Mt 2,1-12)
01 Jésus était né à Bethléem en Judée, au temps du roi Hérode le Grand. Or, voici que des mages venus d’Orient arrivèrent à Jérusalem
02 et demandèrent : « Où est le roi des Juifs qui vient de naître ? Nous avons vu son étoile à l’orient et nous sommes venus nous prosterner devant lui. »
03 En apprenant cela, le roi Hérode fut bouleversé, et tout Jérusalem avec lui.
04 Il réunit tous les grands prêtres et les scribes du peuple, pour leur demander où devait naître le Christ.
05 Ils lui répondirent : « À Bethléem en Judée, car voici ce qui est écrit par le prophète :
06 Et toi, Bethléem, terre de Juda, tu n’es certes pas le dernier parmi les chefs-lieux de Juda, car de toi sortira un chef, qui sera le berger de mon peuple Israël. »
07 Alors Hérode convoqua les mages en secret pour leur faire préciser à quelle date l’étoile était apparue ;
08 puis il les envoya à Bethléem, en leur disant : « Allez vous renseigner avec précision sur l’enfant. Et quand vous l’aurez trouvé, venez me l’annoncer pour que j’aille, moi aussi, me prosterner devant lui. »
09 Après avoir entendu le roi, ils partirent. Et voici que l’étoile qu’ils avaient vue à l’orient les précédait, jusqu’à ce qu’elle vienne s’arrêter au-dessus de l’endroit où se trouvait l’enfant.
10 Quand ils virent l’étoile, ils se réjouirent d’une très grande joie.
11 Ils entrèrent dans la maison, ils virent l’enfant avec Marie sa mère ; et, tombant à ses pieds, ils se prosternèrent devant lui. Ils ouvrirent leurs coffrets, et lui offrirent leurs présents : de l’or, de l’encens et de la myrrhe.
12 Mais, avertis en songe de ne pas retourner chez Hérode, ils regagnèrent leur pays par un autre chemin.
Écouter la Parole de Dieu et la prier
En vivant un temps de Lectio divina
(d’après la grille proposée par « PRIER LA PAROLE … pour en vivre »)
1er temps – Invoquer l’Esprit Saint au cours d’un bref moment de silence.
Notre Dieu, Père de la Lumière,
Tu as envoyé dans le monde ton fils, Parole faite chair,
Pour te manifester à nous les hommes.
Envoie maintenant sur moi ton Esprit Saint,
Afin que je puisse rencontrer Jésus-Christ
Dans cette Parole qui vient de toi :
Afin que je la connaisse plus profondément
Et que, en la connaissant,
Je l’aime plus intensément pour parvenir
Ainsi à la béatitude du Royaume.
Ou avec des mots personnels…
2ème temps – Lectio
- Lire le texte en silence : je repère les mots, les personnages, les mouvements, le lieu… Je me représente la scène… Je relève ce qui me paraît important dans le texte.
Cette étape revêt un caractère plus studieux mais est importante pour « scruter » le texte biblique et lui permettre de véritablement me parler. « Que me dit le texte ? »
3ème temps – Meditatio
- Relire lentement le texte : je regarde Jésus. Il me parle à travers cette Parole. Qu’est-ce que le texte me révèle-t-il de lui ? Quelle est la foi qui s’y exprime ? Comment ce témoignage de foi résonne-t-il en moi ? Qu’est-ce qui me rejoint aujourd’hui ? En quoi suis-je éclairé(e) ? Touché(e) ? Interpelé(e) ?
Convaincu(e) que cette Parole de Dieu s’adresse à moi pour aujourd’hui, je ne me précipite pas pour rechercher des applications concrètes immédiates. Je ne me fixe pas sur moi-même mais sur Dieu en ayant une lecture christocentrique et en m’attachant d’abord à contempler la grandeur et la beauté du Mystère révélé.
4ème temps – Oratio/Contemplatio
- Relire le texte lentement et laisser monter ma réponse, une prière nourrie des paroles du texte biblique et véritable cœur à cœur : je laisse mon cœur parler librement à Dieu, dans la louange, la demande de pardon, la supplication, l’intercession… Avec tout ce que je suis et vis ce jour.
Il ne faut pas avoir peur de consacrer du temps à cette étape. Donner le temps au temps… pour permettre une adhésion du cœur. Le laisser s’ajuster à la disposition intérieure du Christ.
5ème temps – Actio
Il y a bien un 5ème temps, car en prolongement à ce temps de prière et par « la grâce de Dieu », la Parole prendra chair dans le concret de ma vie.
Lecture infiniment personnelle, la Lectio divina est aussi une lecture en Église. Il est bon de terminer en priant le Notre Père qui nous replace au cœur de l’Église.
Une proposition du service de la Vie spirituelle
Photo : Hans sur Pixabay
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