Ce dimanche, qui suit Noël, nous fêtons la Sainte Famille dont les évangiles ne nous disent pas grand-chose : la naissance dans une étable, la fuite en Égypte, la présentation au Temple et Jésus au Temple à 12 ans. Dans les lectures de ce dimanche, quelques phrases sur ce quotidien sont cependant glissées : « Ils retournèrent en Galilée, dans leur ville de Nazareth. L’enfant, lui, grandissait et se fortifiait, rempli de sagesse, et la grâce de Dieu était sur lui. » (Luc 2,40) et plus loin, toujours dans saint Luc : « Quant à Jésus, il grandissait en sagesse, en taille et en grâce, devant Dieu et devant les hommes. » (Luc 2,52)
Nous savons donc que Jésus grandit au sein de sa famille, à Nazareth, et que la grâce de Dieu était avec lui. C’est ce que de nombreux peintres ont, chacun à leur manière, essayé de transcrire tantôt amplifiant la grâce de Dieu à l’œuvre, tantôt celle de la vie quotidienne familiale.
En ce dimanche, pour entrer dans le mystère de la Sainte Famille, regardons de plus près ce tableau de Bartolome Esteban Murillo, peintre espagnol du 17e siècle. Il était spécialisé, entre autres, dans la peinture religieuse et en particulier les évangiles de l’enfance. En cette année dédiée à saint Joseph, faisons dialoguer ce tableau avec quelques extraits de la belle lettre du pape François : Patris Corde.
Dans cette œuvre, le décor très sobre est parsemé d’éléments de la vie quotidienne : le panier à linge, un fuseau et l’établi de charpentier en arrière-plan. L’intérieur d’une humble famille dans lequel beaucoup de contemporains de l’artiste pouvaient se reconnaitre. La sainteté de la famille de Jésus n’est pas une sainteté inatteignable. C’est la sainteté du quotidien, des petites choses, de la tendresse, de l’ouverture. Ce tableau n’est en effet pas fermé sur lui-même, il est éclairé par l’avant et Joseph tend la main ouverte, comme si nous ouvrions la porte et étions invités à venir nous asseoir pour partager son émerveillement, son attendrissement – c’est-à-dire la capacité à avoir un mouvement de tendresse, de compassion.
Asseyons-nous donc un instant au pieds de Marie pour regarder ce qu’elle voit.
Car, chose peu commune, Joseph est peint au premier plan avec Jésus. En effet, il est plus souvent représenté dans l’ombre ou en arrière-plan dans beaucoup de scènes de l’enfance. Comme « l’ombre sur la terre du Père céleste », Joseph ne prend jamais la première place – il met toujours « Jésus et sa mère au centre », nous rappelle le pape François. Joseph est tout donné au projet de Dieu pour lui : « Joseph est l’homme par qui Dieu prend soin des commencements de l’histoire de la rédemption. »
Le tableau de Murillo, lui, se centre sur Joseph à travers le regard de Marie. Et que nous dit-il ?
Elle voit son époux, Joseph, qui, délaissant l’établi, tient contre lui son fils Jésus. Le regard baissé vers l’enfant et l’attitude de son visage montrant une attention aimante envers son fils. Ce dernier, l’air serein et joyeux, semble partager un jeu avec son père et son chien. Ni dialogue ou conciliabule savant, non : juste la simplicité du quotidien d’un enfant.
Remarquons que Joseph ne retient pas Jésus, il l’accueille dans ses bras. Sa main gauche ouverte lui laisse toute latitude pour s’échapper et revenir à sa guise – comme en ont besoin les enfants. Joseph est la stabilité sur laquelle Jésus vient s’appuyer pour grandir et dans un même temps il reste en retrait : « Chaque enfant porte toujours avec soi un mystère, un inédit qui peut être révélé seulement avec l’aide d’un père qui respecte sa liberté. »
Voilà une scène où de nombreux parents se retrouveront : des instants, comme suspendus, où l’un surprend l’autre en flagrant délit de tendresse, où l’on s’arrête pour s’émerveiller de la complicité aperçue ; où l’on pressent que tout se joue là, sous nos yeux, et en même temps que nous touchons à quelque chose (quelqu’un ?) qui nous dépasse. C’est aussi peut-être cela que nous dit le regard de Marie à la fois ici et déjà ailleurs.
Retournons à l’ensemble de la scène. Nous voyons, dans les objets du quotidien, le matériel qui sert au travail de Joseph et à celui de Marie. Jésus a appris de ses parents, l’un par le travail manuel, l’autre par le soin de la maisonnée, « la valeur, la dignité et la joie de ce que signifie manger le pain, fruit de son travail ». Par le travail, nous collaborons à l’avènement du Royaume. Cela mériterait bien une autre méditation – mais nous pouvons nous poser la question : comment vivons-nous notre travail ? Comme un service pour le bien de tous, à l’instar de Joseph ?
Le vêtement de Jésus ressort, faisant écho au pelage du chien et au linge de la mère. Une façon de mettre en avant la simplicité de ce qui se vit. Mais cela met aussi en évidence le centre de ce tableau, l’Enfant Jésus. Ses parents l’encadrent d’ailleurs dans un clair-obscur alors que Jésus est au centre de la lumière – c’est lui que Dieu nous a donné. C’est lui le Fils, dont la splendeur divine éclaire le scène.
Et que fait Jésus sous la lumière divine et le regard de sa mère ? Il tient, dans sa main droite, un menu oisillon . Comme s’il le sauvait de la gueule jouette de chiot. Jésus sauveur du monde, dès l’enfance prend soin du faible.
Cette préfiguration du salut est rendue possible grâce à la liberté que Marie et Joseph laissent à l’Enfant. Bref, travail, soin, présence, effacement, protection, tendresse au service de la croissance de Celui qui leur a été confié par le Père, voilà tout ce que nous pouvons voir dans ce tableau. Nous avons tous, là où nous sommes, une paternité, une maternité à exercer. Cadeau magnifique qui nous est fait et responsabilité si grande. Nous pourrions être pris de vertige, mais non, il nous suffit de retourner à la source de la Sainte Famille, qui se fait reflet de la paternité du Père, pour trouver Souffle, inspiration et encouragement.
Terminons en faisant nôtre la prière qui clôture la lettre du Pape François :
Salut, gardien du Rédempteur,
Époux de la Vierge Marie.
À toi Dieu a confié son Fils ;
En toi Marie a remis sa confiance ;
Avec toi le Christ est devenu homme.
O bienheureux Joseph,
Montre-toi aussi un père pour nous,
Et conduis-nous sur le chemin de la vie.
Obtiens-nous grâce, miséricorde et courage,
Et défends-nous de tout mal. Amen.
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Vicariat du Brabant wallon
Note : Toutes les citations proviennent de la Lettre apostolique du saint Père François, Patris Corde, donnée le 8 décembre 2020.
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