Quand Arcabas peint la Visitation, il y a Marie, évidement, et sa chère cousine Élisabeth, toutes deux enceintes. Il y a toi, Zacharie et puis, comme dans tout tableau de cet artiste, il y a la Lumière. Partons à votre rencontre…

À gauche du tableau, Arcabas te peint dans l’ombre, Zacharie, dans l’embrassure de la porte. Tu sembles intrigué par ce que tu vois mais pas encore au point de faire le pas qui va t’amener à participer à « l’admirable échange » auquel tu assistes : Jésus qui se fait homme et se donne à nous, dès le sein de sa mère. Car avant même sa naissance, Il vient à votre rencontre. Ce n’est pas anodin que, porté par sa mère, dans ses premiers mois de grossesse, la dynamique qui se dégage soit celle d’un ‘aller vers’.
Et toi, ce n’est pas l’envie qui te manque sans doute de te joindre à la fête des retrouvailles mais le pas à faire n’est pas si simple parfois… ce saut dans la Foi. Un jour prochain, quand tu seras prêt, la parole reviendra et tu te joindras à l’action de grâce par un chant : « Béni soit le Seigneur, le Dieu d’Israël, qui visite et rachète son peuple » (Cantique de Zacharie, Luc 1, 68).
À ton immobilisme du moment répond le mouvement de l’étreinte entre Élisabeth et Marie. Leurs pieds semblent bouger encore dans un pas qui les approche l’une de l’autre.
Près de toi, sortant de votre demeure, Élisabeth se précipite au-devant de la petite cousine bien-aimée. Dans sa vieillesse et dans la lourdeur des derniers mois d’une grossesse, elle trouve encore l’énergie et le désir d’aller vers l’avant, de sortir de sa maison, de ses habitudes, de sa zone de confort pour aller au-devant de l’autre, être tout accueil. Sagesse d’Élisabeth que de demeurer dans cette attitude qui sait saisir la grâce qui passe.
C’est de ton épouse qu’il s’agit, Zacharie. Comment vis-tu cette ouverture qu’elle manifeste si spontanément, alors que tu restes toi-même en retrait ? Avec un peu d’envie, avec beaucoup d’admiration, avec la joie de partager la vie de cette femme-là ?
Venant à la rencontre de ton épouse, dont les traits et l’habillement trahissent le temps qui passe, la jeunesse de Marie et sa fougue. Face à la lourdeur du corps d’Élisabeth, que l’on devine par sa démarche, elle semble légère, Marie. Joseph n’est pas à ses côtés : c’est que le Père de l’enfant qu’elle porte n’est pas de ce monde. Est-ce cela que la lumière blanche, presque aveuglante, représente ? Cet aura de lumière entoure Marie et se propage vers Élisabeth, signe du Tout-Autre qui illumine de sa grâce la rencontre.
La tenue de Marie nous la représente d’ici, de la terre, par la couleur ocre rouge de sa robe ; mais déjà aussi un peu du Ciel, comme le montre la couleur de son voile.
Elle vient, elle accourt vers ta demeure, Marie. Elle est tout à la joie de la rencontre, comme pressée par la nécessité d’être avec vous, de partager l’incroyable qui l’habite et qui habite aussi, bien qu’autrement, Élisabeth.
Les bras de Marie viennent se fondre dans l’accolade d’Élisabeth. Douceur et joie embellissent les visages. Quelle étreinte ! Nous pourrions nous arrêter là avec toi, Zacharie, à observer tout ce que peut nous dire la rencontre de deux êtres qui s’aiment.
Mais l’artiste nous donne de voir qu’il n’y a pas qu’une rencontre qui se déroule sous nos yeux.
Au centre du tableau, au cœur… deux croix. C’est ainsi qu’Arcabas représente Jésus et Jean-Baptiste. Pas encore nés, ils sont signifiés par ce qui marquera le don de leur vie : la croix pour l’un, le martyr pour l’autre. La couleur or rend dynamique l’échange au cœur de la scène : peut-être le tressaillement, la joie qui jaillissent naturellement de cette première rencontre. Que devine ton fils, Zacharie, de la double appartenance de son cousin – terre et ciel ? Que devines-tu, toi ? Que pressens-tu de ce qui se passe devant toi, de cette bénédiction qui va jaillir d’Élisabeth dans quelques instants (Luc 1, 42-45) ? Et en réponse, l’action de grâce de Marie dans le Magnificat (Luc 1, 46-55) ?
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À travers cette première rencontre entre Jésus et Jean, dans ces retrouvailles entre Marie et Élisabeth, c’est Dieu qui vient rejoindre chacun de nous. Dans notre histoire personnelle de foi, sans doute avons-nous vécu ce tressaillement intérieur qui nous fait reconnaitre la présence de Dieu, toute proche.
De ce que Zacharie pense face à tout cela, nous n’en savons pas grand-chose. Comme nous devant l’interprétation d’Arcabas, il a pu vivre la gratuité de l’échange entre ces deux femmes, l’amour débordant des cœurs pleins, la capacité de l’une et de l’autre à visiter et à être visitée… car qui visite qui finalement : celle qui vient, celle qui ouvre grand sa porte, son cœur, son intimité ? Les deux sans doute. Tout est dans la réciprocité, entre les femmes, entre les enfants qui déjà se reconnaissent.
Combien ce tableau est évocateur aujourd’hui de l’élan vital présent dans la relation à l’autre : des regards qui se parlent, des visages non-masqués, des bras qui s’étreignent… pas de retenue, pas de question, juste être là l’un pour l’autre, l’une avec l’autre.
Sommes-nous encore capables aujourd’hui, après ces longs mois de repliement sur soi, à nous ouvrir, à aller avec empressement chez la ‘cousine’ qui a besoin de notre visite, à ouvrir grand notre porte à celui qui vient, à laisser tomber les masques ? Ou bien comme Zacharie, avons-nous besoin d’un peu de temps pour percevoir que c’est Toi, Seigneur, qui vient à notre rencontre ?
Nous venons de célébrer la Pentecôte il y a une semaine et, ce dimanche, la Sainte Trinité. Et si… avec cette fête de la Visitation, nous sentions l’appel à visiter et à nous laisser visiter de manière plus intense, poussés par le souffle de l’Esprit et vivifiés par l’admirable échange entre le Père, le Fils et l’Esprit Saint.
SEIGNEUR,
Tu pousses Marie à visiter sa cousine,
Tu pousses Élisabeth à aller au-devant d’elle,
Tu accompagnes Zacharie dans ce temps dont il a besoin pour faire route avec toi…
Tu es là, dans le souffle de la Pentecôte au côté de chacun de nous
pour que tour à tour nous visitions et soyons visités,
pour que nous acceptions ces moments où nous sommes encore dans l’ombre
et où nous pouvons compter sur toi pour nous aider à franchir le pas.
Service de la Formation
Vicariat du Brabant wallon
La rencontre des deux femmes
Des deux mères
Par le corps, l’âme et l’esprit
Elle se retrouve après que la plus jeune est fait le voyage
Un voyage qui traverse les montagne
Le premier voyage de Jésus vers Jean
Les deux se rencontrent porté par leur mère
Porter par des femmes.
Elles disent toute deux : maintenant est le temps juste
Le tableau réveille quelque chose d’endormi en nous.
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