Le matin du premier jour de la semaine, après que Jésus ait été mis au tombeau de manière précipitée avant le Sabbat, les femmes n’ont qu’un désir : pouvoir donner une sépulture correcte à celui qu’elles suivent depuis quelques années. Celui qui a changé leur vie, la vie de leurs enfants. Elles ont tant reçu, qu’elles souhaitent lui rendre hommage : avec des huiles, des parfums précieux, comme le veut la coutume.
Elles ont tellement hâte, qu’elles partent tôt – « De grand matin, le premier jour de la semaine, elles se rendent au tombeau dès le lever du soleil. » (Mc 16, 2) –, elles n’attendent pas que le soleil éclaire pleinement le jour et diffuse la clarté dont elles auront besoin à l’intérieur du tombeau. Est-ce cela que Rembrandt a voulu partager dans ce dessin au fusain ? Point de couleurs mais des nuances de gris, comme si la lumière du jour n’avait pas encore filtré.

Au lever du soleil donc, trois femmes arrivent en vue du tombeau. Bien que poussées dès le matin par l’amour reçu et donné, elles portent le poids de la tristesse, de l’incompréhension des évènements, des espoirs déçus. Pour les deux femmes à gauche, le poids a l’air si lourd à porter qu’elles arrivent toutes courbées. C’est que, pour elles et pour les disciples, ce petit matin de Pâques est toujours empreint de désolation. Ils ne savent pas encore que l’inimaginable aux yeux des hommes s’est produit : Christ est ressuscité.
Les voilà qui arrivent, dans l’attente de soigner une dernière fois le corps de Jésus, comme pour laver, ôter les traces des supplices qu’il a vécus et lui rendre honneur et gloire. De loin déjà, elles voient la pierre roulée? Et quelques instants plus tard, l’effarement devant le tombeau vide : où est-il ? Le poids déjà présent devient plus lourd encore. Ces deux femmes sont toutes tournées vers l’absence, le vide. Elles cherchent celui qui leur a tant donné. S’ajoute à la tristesse de la mort, l’impossibilité de voir le corps, de lui donner les derniers soins. Même cela leur est enlevé.
Nous, nous savons ce qui arrive d’inouï, la Vie plus forte que la mort qui vient colorer d’espérance nos Vendredi saint … Mais elles n’en savent rien encore. Point donc de visages rayonnants, point donc de sourire derrière les larmes. Rembrandt peint, semble-t ’il, le désarroi de ce matin de Pâques – le désarroi plein et entier qui habite tant de personnes qui ne croient pas ou n’osent pas encore croire que la Vie est plus forte que la mort.
Prenons le temps de les porter dans nos prières, tous ceux et celles qui sont comme engloutis dans ce que la vie peut avoir de dur, de lourd, de laborieux jusqu’à les faire courber.
Voilà le premier regard sur ce dessin. Mais il a bien plus à nous dire !
Avançons un peu dans ce tableau, sortons du tombeau et regardons la troisième femme. Elle n’est pas courbée, elle est debout, bien droite. Elle ne regarde pas le linceul vide, son regard porte plus loin vers la gauche du tableau. Le voit-elle, l’ange qui annonce la Bonne Nouvelle ? N’est-ce pas elle qui choisit de regarder du bon côté, pas celui de la mort, de l’absence mais du côté d’une autre présence, du côté de la vie?
On dirait qu’elle n’entre pas dans le tombeau, elle s’arrête juste à l’entrée et regarde ailleurs. Elle reste dans la lumière du jour qui se lève. La lumière arrive sur elle de deux manières : de l’arrière fond, hors du tombeau mais aussi du côté gauche, comme si une ouverture éclairait d’un même rai l’emplacement vide et la femme. Déjà elle est remise debout, elle quitte le chagrin, elle retourne à la lumière car le Christ, par sa résurrection, nous fait tous vivre avec lui d’une vie nouvelle, lui qui est lumière du monde..
Vite, à ne pas en douter, elle va entraîner ses sœurs vers la clarté et elles vont la porter ensemble aux disciples.
Et oui, ouvrons l’œil encore : en arrière-plan du dessin, nous devinons une ville, sans doute Jérusalem, les croix où furent crucifiés Jésus et les deux larrons et sur le chemin qui vient vers le tombeau : deux hommes. Nous pouvons y reconnaitre Pierre et Jean qui arriveront plus tard, alertés par les femmes. Ils viennent avec des questions plein la tête mais peut-être déjà l’espérance ancrée au plus profond, l’envie de croire en les paroles de l’ange aux femmes : « Et maintenant, allez dire à ses disciples et à Pierre : “Il vous précède en Galilée. Là vous le verrez, comme il vous l’a dit.” ? » (Mc 16,6).
Ne dirait-on pas qu’ils courent ? Sans doute avec une part d’eux-mêmes encore dans l’obscurité. Et c’est la parole des femmes, la parole d’un témoin qui a vu et cru avant eux, qui permet à l’espérance de jaillir, là où tout semblait fini.
Ce dessin, tout en délicatesse, nous peint ce moment-là bien précis, où l’espérance peut jaillir. On peut la rater comme ces deux femmes à gauche, la saisir comme celle de droite, la pressentir comme les deux apôtres qui courent, la deviner même quand la croix est première. Dans tous les cas, elle est là, cette lumière de la Résurrection qui ne dépend ni des uns, ni des autres. Elle est, tout simplement. Puissions-nous la saisir pour nous-mêmes et en être porteurs pour ceux qui d’une manière ou d’une autre croisent notre route.
Service de la formation
Vicariat du Brabant wallon
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