Méditation pour la fête
de la conversion de saint Paul
Lectures : Ac 9,1-22 ; Ps 116/117,1-2 ; Mc 16,15-18
Ananie imposant les mains à saint Paul
Jean II Restout – 1719 – Musée du Louvre
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L’armure est par terre. Elle gît à l’avant-plan. Défaite ou victoire ? Cette carcasse qui jadis protégeait et donnait de l’assurance aujourd’hui libère : elle tombe, comme la coquille d’un œuf arrivé à éclosion se brise pour laisser sortir la vie nouvelle.
L’armure est par terre. Et avec elle, le genou de cet homme que l’ardeur jalouse pour Dieu avait transformé en meurtrier de ses frères (Ac 22,3-4). Celui qui se croyait fidèle à Dieu parce qu’il était en règle avec sa religion est aujourd’hui défait de son étouffante droiture : après avoir combattu au nom de ses idées sur Dieu, le voilà tout abandonné à la volonté de Dieu. Renonçant à son image de Dieu, l’homme ancien tombe… L’homme nouveau se laisse relever.
L’armure est par terre, tandis que du ciel vient la lumière. Trois jours plus tôt, cette même lumière avait déjà surpris cet homme sur son chemin : elle l’avait enveloppé de sa clarté, comme pour adoucir sa chute lorsqu’il serait jeté à terre (Ac 9,3-4). Elle lui avait aussi ouvert les yeux… et ce qu’elle lui fit voir alors, c’était Rien (Ac 9,8) [1]… car pour se présenter à un homme pensant tout connaître de Lui, Dieu n’a d’autre choix que de se manifester comme le Rien. « Et ce Néant était Dieu » (Maître Eckhart).
L’armure est par terre. Et ce Rien qui l’avait saisi sur sa route est encore là. Cette lumière qui patiemment l’avait cherché dans tous les détours de sa vie ne le lâchera plus. Elle se fera cependant plus discrète et passera désormais par les mains de ceux qui ont répondu à l’appel : « Me voici, Seigneur » (Ac 9,10). C’est ainsi qu’à présent, ce sont ceux qui l’ont précédé sur ce chemin désarmant de la foi qui enveloppent cet homme en train de renaître.
L’armure est par terre. Ananie est debout, fidèle à sa mission reçue. La lumière passera aujourd’hui par ses mains (Ac 9,17). Il fera retrouver la vue à l’aveugle, comme son Maître le faisait jadis sur les routes de Galilée. Il va lui apprendre à connaître ce Rien, ou plutôt à co-naître avec ce Rien, à se laisser creuser par Lui. Ainsi, vidé de lui-même, il pourra être rempli par l’Esprit saint (Ac 9,17).
L’armure est par terre. Les écailles vont, elles aussi, tomber des yeux (Ac 9,18). Tout est prêt. Cet homme va recevoir les forces nécessaires par le baptême. Cette femme, toute de bleu vêtue, apporte déjà le vêtement blanc et la cruche avec l’eau, pendant qu’Ananie invoque l’Esprit. Oui, tout est prêt.
L’armure est par terre. Car par le baptême, c’est un autre « équipement de combat » que cet homme s’apprête à endosser : par l’eau et l’Esprit, il va devenir apôtre, « ayant autour des reins le ceinturon de la vérité, portant la cuirasse de la justice, les pieds chaussés de l’ardeur à annoncer l’Évangile de la paix, et ne quittant jamais le bouclier de la foi, qui lui permettra d’éteindre toutes les flèches enflammées du Mauvais, » sans oublier « le casque du salut et le glaive de l’Esprit, c’est-à-dire la parole de Dieu. » (Ep 6,14-17).
L’armure est par terre. L’avorton, l’ouvrier de la dernière heure va pouvoir lui aussi être envoyé à la vigne : rejoins tes frères et « allez dans le monde entier. Proclamez l’Évangile à toute la création » (Lc 16,15).
Service de la formation
Vicariat du Brabant wallon
[1]Notre Bible (ici la traduction liturgique) traduit Ac 9,8 par : « Saul se releva de terre et, bien qu’il eût les yeux ouverts, il ne voyait rien. » Mais ce « bien que », ajouté dans la traduction française, est absent du texte grec, suggérant de ne pas mettre en opposition « avoir les yeux ouverts » et « ne rien voir. » Par ailleurs, le premier verbe du verset est au passif en grec : Saul ne se relève pas par ses propres forces, mais il se laisse relever. On pourrait donc lire ce verset ainsi : « Saul fut relevé de terre et (parce qu’il eût) les yeux ouverts, il ne voyait rien. »
Prier avec l’hymne « Dieu que nul œil de créature »
(Pierre de la Tour du Pin)
Dieu que nul oeil de créature
N’a jamais vu,
Nulle pensée jamais conçu,
Nulle parole ne peut dire,
C’est notre nuit qui t’a reçu :
Fais que son voile se déchire.
Fais que tressaille son silence
Sous ton Esprit ;
Dieu, fais en nous ce que tu dis,
Et les aveugles de naissance
Verront enfin le jour promis
Depuis la mort de ta semence.
Tu n’as pas dit que l’homme croisse
Vers son néant,
Mais tu as fait, en descendant,
Qu’il ne se heurte à son impasse :
Tu as frayé le beau tournant,
Où tout au monde n’est que grâce.
Dans le secret, tu nous prépares,
Ce qui pourra
Tenir ton jour quand tu viendras ;
C’est là, dans l’ombre de ta gloire.
Que ta clarté filtre déjà,
Et nous entrons dans ton histoire.
Sème les mots qui donnent vie,
Nous te dirons ;
Regarde-nous et nous verrons ;
Entends Jésus qui te supplie.
Au dernier pas de création,
Viens faire l’homme eucharistie !
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