C’est avec l’aide d’une peinture de Sœur Marie-Boniface Stolberg osb, Vanves (1919-2012) que nous allons méditer la fête de la Croix glorieuse, ce 14 septembre.
Cette artiste peintre est entrée au monastère de Vanves (région parisienne) en 1950. Dès 1954, elle a été envoyée au Vietnam où elle a vécu parmi l’ethnie montagnarde Edé, dont elle a partagé la vie, les travaux et la Lectio Divina. Chaque semaine, avec Mère Colomban, elles invitaient tous ceux qui le désiraient à venir lire et prier les lectures de la messe du dimanche. Pendant le temps de partage, Sr Marie-Boniface dessinait et montrait à l’assistance ses croquis. Dès qu’ils recevaient l’approbation des membres présents, notre sœur allait dans son atelier et peignait l’Évangile. Sa peinture relève à la fois de ses dons, de sa foi et du fruit de la Lectio Divina communautaire.
La fête de la Croix glorieuse ou exaltation de la Croix vient juste 40 jours après la fête de la Transfiguration. Ainsi, après avoir été vu dans la gloire sur une haute montagne, entouré par Moïse et Élie, ce jour nous montre Jésus élevé… sur une croix. Croix en laquelle les croyants ont vu par les yeux de la foi, au-delà de l’aspect ignominieux du bois du supplice, une croix glorieuse. Mais en quoi est-elle glorieuse ? N’est-ce pas par le fait que la croix a permis à Dieu de vaincre la mort, de faire surgir, triompher la vie nouvelle ? Cette croix qui aurait dû « tuer Dieu » lui a donné de révéler sa puissance de résurrection ! Par elle, Jésus a témoigné au monde « quelle est la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur de l’amour du Christ qui surpasse toute connaissance » (Ep 3,18-19). Nous comprenons dès lors pourquoi saint Paul nous exhorte pour « que notre seule fierté soit la croix de notre Seigneur Jésus Christ » (Ga 6,14) et saint Ignace d’Antioche qui écrit : « mes archives à moi, c’est Jésus Christ, mes archives inviolables, c’est sa croix, sa mort et sa résurrection, et la foi qui vient de lui » (aux Philippiens 8,2). Mais comment représenter ce mystère d’une croix glorieuse, source de vie ?
Voici la façon dont Sœur Marie-Boniface répond à cette question. Elle nous représente le Christ sur la croix entouré « de sa mère et du disciple qu’il aimait » (Jn 19,26). Placé au second plan, alors qu’il est l’acteur principal de la scène, Jésus a la tête légèrement inclinée en signe d’affection et d’écoute. Les yeux plongés dans ceux du disciple qu’il aimait, il échange avec lui un regard empli de tendresse, de compassion et de bonté. Son visage est paisible et serein. Le temps du combat est fini. Aucun signe de souffrance ou de douleur. Mais l’expression de quelqu’un qui se concentre pour être tout à l’autre, tout donné à autrui. Ses bras étendus sur la croix « dessinent entre ciel et terre le signe indélébile de l’Alliance entre Dieu et les hommes[1] » et accueillent quiconque vient trouver refuge sous la croix. Ses mains sont – elles grandes ouvertes en signe d’offrande ou d’accueil… Pas de clous, mais une plaie béante et non sanglante, rappel discret du verset d’Isaïe : « vois, je t’ai gravé(e) sur les paumes de mes mains » (Is 49,16). Aucune de ses plaies ne saigne ni ne porte la marque des clous. Jésus est représenté bien plus grand que les deux autres personnages, est-ce un témoignage de foi : « il est grand notre Dieu » ?
À l’avant plan, le disciple bien-aimé, debout sur ses deux pieds, plonge-lui aussi les yeux dans ceux de Jésus. Leur échange de regards traduit une profondeur de relation et de confiance : « qui regarde vers Lui resplendira, sans ombre ni trouble au visage », nous dirait le psalmiste (Ps 33,6). De sa main droite, il tient un livre dont la tranche des pages est de la même couleur que l’intérieur des plaies, que la chair de Jésus. Est-ce un rappel discret de son incarnation et au fait que le crucifié est devenu lui-même le Livre ouvert… Est-ce le livre où « a été mis par écrit une partie des signes que Jésus a fait sous les yeux de ses disciples, pour que vous croyiez que Jésus est le Christ, le Fils de Dieu, et pour qu’en croyant vous ayez la vie en son nom » ? (Jn 20,30-31). Sa main gauche semble exprimer le respect et la surprise : le disciple près de son Maître crucifié a-t-il compris tout de suite que la croix serait aussi glorieuse, instrument de la victoire de la Vie sur la mort ?
À la droite du crucifié, nous voyons sa mère. Debout, elle se tient droite. Elle aussi a un visage paisible. Curieusement, elle ne regarde pas vers son fils mais vers nous. Regard maternel empli de tendresse et d’invitation. Invitation à quoi ? Son index droit nous donne la réponse : elle nous invite à regarder le côté transpercé de son fils dans lequel elle a déjà vu, lu l’expression de son amour pour nous. Le Verbe fait chair, l’agneau de Dieu, tel un livre ouvert s’est laissé ouvrir le flanc pour que nous puissions lire, vivre l’infini de son amour pour nous…Les trois personnages sont vêtus de blanc en avant- goût de la résurrection.
Sur la croix de Jésus, nous pouvons aussi voir une couronne entourée du christogramme de Jésus Christ. Oui, cet homme cloué sur la croix est bien le Christ Jésus, le « roi des Juifs », comme Pilate l’avait rédigé sur l’écriteau qu’il fit placer sur la croix. En-dessous des mains de Jésus, l’Alpha et l’Omega grec témoignent qu’il est bien « le Seigneur ‘‘Il est, il était et il vient’’, le Maître-de-tout » (Ap 1,8). Enfin, en arrière-plan, le soleil et la lune ne sont-ils pas représentés pour nous dire que désormais, « la ville peut se passer de l’éclat du soleil et de celui de la lune, car la gloire de Dieu l’a illuminée, et l’Agneau lui tient lieu de flambeau » (Ap 21,23). Oui, maintenant que tout est accompli, que le Christ a été offert comme un agneau immolé, que le Père a tout dit en son Fils et que le Fils a révélé jusqu’où va l’amour du Père, la gloire de Dieu et de Jésus Christ se révèle en ce mystère de la croix glorieuse. Ainsi, la croix qui était folie aux yeux des païens devient sagesse de Dieu, puissance de Dieu pour nous les croyants !
Et lorsque nous traçons le signe de la croix sur notre corps, ne témoignons-nous pas de cette même croix glorieuse que l’Église fête ce jour ?
Service de liturgie
Vicariat du Brabant wallon
[1] Première prière eucharistique pour la réconciliation.
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